Corne de brume




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La corne de brume n’a pas dérougi de la nuit. Les faisceaux des phares caressent la lande fatiguée. Je tente de m’endormir, les nerfs à vif d’entendre le hululement des rocs, ces vieux hiboux, avertir les navires de leur douloureuse présence. Et je plains les gardiens de phare, en paradis comme en enfer, d’avoir à subir le son pénible de la corne des semaines durant. Comment tenir la tête hors de l’eau quand rien ne sépare plus les jours de la nuit, les fantômes de la chair, les rêves des cauchemars, le désir du dégoût, le lointain du proche, la terre de l’eau, le feu de l’air ? Il doit falloir trouver la force d’aller chercher en soi la plus singulière mélodie, celle capable de rivaliser avec la torpeur dans laquelle nous fait entrer la résonance sourde et lancinante de la corne. Être un brin d’herbe sur lequel on passe des doigts humides, monter vers l’aigu ; siffler comme l’huîtrier pie. Se rapprocher de la note de vie qui percera la brume en affirmant la volonté de renaître.


Le miracle a lieu ce matin vers neuf heures : le soleil gomme peu à peu la brume, sans effacer les rocs dont les formes semblent se révéler pour la première fois.

La laine mouillée de l’air et les filets de l’écume s’emmêlent aux rochers, s’effilochent en silence, esquisses miniatures comme des mirages.

La cime des îlots émerge de deux mers différentes, l’une translucide et aérienne, l’autre, liquide et salée. Sous l’œil placide des goélands, je me jette à l’eau. Bonjour la mer, ma belle frangine au parfum frais de toutes les terres, de tous les hommes mélangés.







Extrait du journal écrit lors d'une résidence d'écriture de deux mois au sémaphore du Creac'h sur l'île d'Ouessant (association C.A.L.I)
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© Laure Morali, journal d'Ouessant_été 2010

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