Mamu - Ensemble


La nuit écoule les bagages
dans nos corps dépêchés
glisse-moi en forêt
que je devienne
l’épinette blanche
dressée sur le rivage
redonne-moi mon nom
d’avant la lumière
lorsque nous nous tenions
dans le même corps
Minaik
redis-moi les paroles
silencieuses
le sourire éclatant
sous un ciel de glace
nous marchions ensemble
sur le dos des poissons
tu étais jeune et moi vieille
nous avions le même âge
d’être compagnons de route
dans le Nutshimit
j’ouvrais le chemin pour toi
petit homme des forêts
mon entier paysage
outarde égarée
j’avais perdu ma route
tu me la redonnais chaque aube
dans une tasse de café
en métal bleu
une assiette de perdrix blanches
un lacet de raquettes
à pompons mauves et verts
je retenais mon souffle
frère et sœur dans la neige
nous prenions la main
à notre ombre le traîneau
portait nos bagages
la graisse fumait 
un firmament sur la peau
des caribous tempêtes
nous tenions le cap
avec une liquidité de perles
sur les lacs ces anciennes
lumières assoiffées de mousses
accouchant de demain
au mouvement cette rive
bruit des palmes pagaies
dans le miel
la marée des vies
utshekatakuat
les étoiles nageaient
au creux du Puissant
la rivière yeux lancés
ton chagrin transparent
cahotée la montagne
se laissait porter
par le sel de ton cuir
sa cascade
dans la course vers le nord
l’étang de nos rêves flottait
après toi et ton chant
nous restions éblouis
par l’antenne du vent
à te voir écouler
en lui ta force
tu disparaissais sous la neige
vide incroyable
dans nos mains
des étoiles
vibraient
cela me rassure
d’autres terres sont présentes
nous avançons solides
dans le couloir des arbres
quand ils parlent regarde
le vent rêve
à l’arbre il communique
l’autre côté de son nom
sa voix aube ruisselle
à travers les mailles
Kukamessit
chair rose la truite
écailles grises
sur tapis de sapin frais
nous balance soleils
parmi les eaux vives
le silence égoutte
les reflets de l’esprit
nuits plus fortes les pierres
brûlent au nord les effluves
cèdre dans la gorge
sous la peau de la Terre
tu m’apprends à rêver
le silence
guide le voyage
nous montons au nord
prions au sud
rougissons dans l’est
grandissons à l’ouest
et me voici innue
l’instant d’un rire
dans la sueur des pierres
mua
nimushum Shimun
nimueshtaten
tapue
tshishatshitin
mon grand-père
mon ami et mon frère
ce souffle à mon oreille
dans mes cheveux mêlés
où que je sois viens
me retrouver
et m’apprendre à soigner
les fêlures des pierres.

L.M


« Mamu/ Ensemble »
Poème dans le dossier sur  Le Nord de la revue d’art Le Sabord, n°103, Trois Rivières (Québec), 2016, et dans la revue Littoral, Sept-Îles (Québec), 2015.

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