S'il vente trop, tu dormiras à Blanc-Sablon






L'avion d'Air Labrador aura une heure de retard.
"Il vente beaucoup sur la Basse-Côte. Si le pilote ne peut pas atterrir à Saint-Augustin, on vous emmènera jusqu'à Blanc-Sablon." En partant de Montréal ce matin, je savais bien que les chances de dormir à l'endroit prévu sont quasiment nulles quand on voyage sur la Basse-Côte-Nord. Quand ce n'est pas la brume, c'est la neige, et quand ce n'est pas la neige, c'est le vent qui empêche les avions de se poser ou de décoller.
Je serais curieuse de dormir à Blanc-Sablon. Ce nom m'a toujours fait rêver, sa langue de sable blanche aux consonances Caraïbes bordant l'île de Terre-Neuve par le nord. Gens qui parlent anglais avec une pointe d'accent irlandais et les taches d'une rousseur boréale sur la peau.
Peut-être ce soir verrai-je enfin à quoi ressemble le village le plus à l'est de la côte. Ou peut-être aurai-je la joie de m'installer à l'auberge de Pakuashipi avec des provisions pour une semaine (pas d'épicerie dans le village innu, pour faire ses courses, il faut aller à Saint-Augustin et traverser la rivière en bateau), des livres pour l'école et des poèmes à faire naître dans de petites mains d'enfants.
Mais l'on vient de me faire appeler au comptoir d'Air Labrador. L'hôtesse a pu parler au pilote. Les vents très forts ne lui permettront sans doute pas de me débarquer. Elle tenait à m'avertir qu'il y a désormais une très forte probabilité que je dorme à Blanc-Sablon cette nuit, pour repartir à l'aube par le premier vol vers l'ouest, si tout va bien. Je comprends que je suis la seule passagère à vouloir descendre en route. "On ne contrôle pas le temps..." me dit l'hôtesse désolée. Je lui souris. Deux solutions : soit je me débrouille pour dormir à Sept-îles, que je connais par cœur, soit je me débrouille pour dormir à Blanc-Sablon où je ne risque pas de mettre les pieds tous les jours. J'ai un faible pour la deuxième solution. Dormir au Labrador.

Le 25 novembre 2012
Aéroport de Sept-Îles

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