Étoile est un mot animé



"Tu te rends compte, on vit avec les étoiles !"




dit-elle...


et s'enfuit, Joséphine


Joséphine Bacon dans les herbes de la plage du Pessamit de son enfance, un jour d'été indien.


"En innu-aimun, le mot ushekatak, étoile, est animé comme les gens, les animaux, les arbres, tout ce qui vit, mais aussi comme le nom des raquettes qui nous aident à marcher en hiver et celui des ustensiles de cuisine grâce auxquels on prépare la nourriture qui nous donne l'énergie de marcher."



Je ne comprends pas pourquoi utshekatak, l'étoile, et kashkun, le nuage, sont des mots animés tandis que nutin, le vent, et nipi, l'eau, ne le sont pas. Encore plus incompréhensible pour moi, uinipek, la mer, fait partie des choses inanimées... Joséphine me demande de ne pas chercher à comprendre, mais d'apprendre, comme elle a dû le faire avec le masculin et le féminin en français, là où la langue innue ne distingue pas de genre, mais plutôt une charge d'activité ou de passivité. Le caractère animé ou inanimé d'un mot fait changer la terminaison du verbe qui l'accompagne.

Nuapamau utshekatak 
Je vois l'étoile (briller)
Nuapaten nutin 
Je vois le vent
Nuapamau kashkun
Je vois le nuage (bouger)
Nuapaten uinikek 
Je vois la mer 

Et quand les enfants, en atelier d'écriture, voudront personnifier le vent, on n'aura pas d'autre choix que de l'animer d'une majuscule: "Nuapamau Nutin... Je vois Vent..."



Shashish 
unaman-shipiu Pinamenanan
nitikuti :
"Tshika uapamau 
apita-tshishishtau Utshekataku."

La vieille Philomène 
de la Rivière d'Ocre
un jour m'a dit :
"Si tu sais regarder
Tu verras l'Étoile de midi."

Joséphine Bacon,
Tshissinuatshitakana / Bâtons à message
Éditions Mémoire d'encrier, 2009




Joséphine Bacon est née dans la forêt, au nord du village de Pessamit. Elle vit à Montréal depuis cinquante ans, mais ses rêves la ramènent toujours là où elle est née. Joséphine est la gardienne d’une poésie transmise oralement de génération en génération, depuis plus de dix mille ans. Elle connait des légendes qui parlent encore des mammouths. Joséphine écrit des poèmes en innu-aimun et en français pour préserver des mots anciens que ses grands-parents nomades utilisaient dans le Nutshimit, cette vaste forêt subarctique, traversée de rivières et de lacs, jusqu’au nord du Québec. Quand elle est arrivée en ville, elle a vécu avec un bébé castor pendant plusieurs mois. Elle a quatre enfants dont deux jumelles. C’est une mère poule. Elle a la meilleure recette de spaghetti à l’huile d’olive et à l’ail. Elle est aussi grande de cœur qu’elle est petite de taille. Joséphine Bacon est une rockeuse imprégnée d’Esprits. Elle est très désobéissante. 
 Ses principaux livres :
Uiesh / Quelque part, édition bilingue innu-aimun/français, Mémoire d'encrier, 2018.
Un thé dans la toundra / Nipishapui nete mushuat, édition bilingue - Mémoire d'encrier, 2015.
Nous sommes tous des sauvages, avec José Acquelin, Mémoire d'encrier, 2011
Bâtons à message / Tshissinuashitakana, édition bilingue, Mémoire d'encrier, 2009 






                                                                                  © Laure Morali

octobre 
Uashtessiu-Pishim
"La lune pendant laquelle la terre s'illumine"
2015

Pessamit et ailleurs, en innu-assi






Commentaires

  1. "Quand le vent souffle à l’intérieur,
    dehors, tout est calme.

    Je sais, compagne,
    que tu me comprends,
    tu saisis,
    à pleines pensées,
    mon allusion désolée.

    Endors toi,
    Réveille toi,
    Recouche toi, à nouveau,
    sombre dans le sommeil,
    c’est ta mer salée."

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