Vers mushuau-assi

Demain, nous partons à Schefferville, à Matimekush. Je ne pense pas avoir jamais été aussi loin vers le nord, si proche de mushuau-assi, la terre dénudée. 
Après Pessamit, où nous étions la semaine dernière, Joséphine Bacon et moi entamons la deuxième étape d'une tournée d'ateliers d'écriture avec des enfants du primaire et du secondaire de dix communautés innues, à l'initiative de l'Institut Tshakapesh qui désire rassembler les jeunes, éloignés géographiquement les uns des autres, autour d'un projet commun. Poursuivre un travail dont ils ont vu la trace dans l'album Mingan mon village, poèmes d'écoliers innus. En juin 1996, je donnais mon premier atelier de poésie à Mingan. Le visage du garçon dessiné sur la couverture de cet album paru en 2012 est celui de Maverick, le fils de Mélina qui avait participé à mon atelier en 96 alors qu'elle avait dix ans. Mélina et deux autres jeunes filles, toutes aujourd'hui mères de plusieurs enfants, m'avaient suivie  jusqu'en Bretagne pour écrire  là-bas. En juin, ça fera vingt ans. Je donnerai encore un atelier sur la plage d'Ekuanitshit en ramassant des mots-cailloux sous le souffle des baleines, avec le même plaisir enfantin et, en plus, quelques cheveux blancs. Mais demain nous partons à Matimekush. Nous ferons escale à Sept-Îles puis à Wabush. Et je sens déjà une odeur de cuir de caribou, de feu et de thé fort. Dans le recueil "Nipishapui nete mushuat / Un thé dans la toundra" de Joséphine Bacon, un vieux chasseur appelé Mishta-Napeu lui dit : "Si un jour tu vas dans la toundra, tu sentiras que la terre te porte." Je survolerai sûrement le lac de mon ami Shimun, Kukamessit, où nous avions passé trois mois à l'automne 1998. Son sourire me donnera de la force.



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