Sémaphore 3

Penn ar Bed, la tête de la terre
Le vieil animal lèche ses plaies
Ouessant, la gueule salivante de l’Occident 

Silhouette élancée de l’homme en bleu de travail, un seau de même couleur à la main. Debout sur les anneaux d’une grosse chaîne que mange la rouille, il surplombe la Baie de Calgrac’h. Se saisit d’un cordage dans l’éventail des amarres. Dévale la falaise jusqu’à la barque. Donne du mou. Arrache les algues entortillées. Laisse retomber le bout d’un geste sec. Godille sur l’eau transparente jusqu’au bateau. Défense d’amarrer à la bouée rose, prévient-il de sa voix rocailleuse en passant à côté d’une grosse vedette.

Le cœur battre en tout temps les traversées du soleil. Prenons la mer dans nos peines. Le secret part, expulsé, cru. Dans les rochers s’entassent les corps que les souvenirs ont tordus. Pensifs capitaines gris. Des hommes, là où la solitude s’évapore. Ombres serrées, l’écart entre les morts est moins vaste qu’entre les vivants. Solidité est une tempête. Les oiseaux bougent quand même, mais avec peine. Nous apprenons à traquer les corps dont personne ne souhaite. Toutes ces cérémonies qui n’ont pas eu lieu.  
  
Pour l’éternité, chaque corps et chaque âge ont compté, le squelette d’une fleur dans la rondeur de l’oursin, le froissement du rêve aussi végétal que celui des pétales secs de l’armérie, la poésie, conductrice d’étincelles, la pensée-soleil qui épouse la nuit puis fragmente le jour. Nous marchons sur des traces plus fortes que nous.


© Laure Morali, journal d'Ouessant_20 mars 2011  

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