Sémaphore 4



« claque la porte, je ne sais pas si je pourrai ressortir de ce dehors en cercle, cette terrasse au bout du monde, mais c’est quoi le bout du monde, certainement pas sa fin ou son début ou quoi que ce soit qui ressemble à ici, à ce gouffre de plénitude où tu ne cesses de tournoyer avec tes rugissements de plaisir, tes soulèvements de vertige, j’en reçois des claques sur la gueule qui me réveillent au bout de mes fatigues, mes colères, de ton sel j’apprends toujours à faire place nette et les touristes sont partis dans les sentiers avant la nuit, m’ont laissée seule encore avec toi, qu’on parle, il faut qu’on parle, ça fait longtemps qu’on ne s’était pas ; ils ont photographié le soleil, toujours la même photo du dernier roc, à bout portant, le soleil dans l’objectif, toujours la même carte postale, le même poster, le même souvenir, d’en haut souvent, je confonds les têtes des gens avec celles des oiseaux, des craves, les amoureux dans les rochers regardent le soleil tomber dans le vide derrière, cinglés d’assister à la chute de leur désir dans la nuit qui boit tout, même les faisceaux du phare le plus puissant sont engloutis dans tes grands vides qui roulent dans le cosmos tu sais, j’ai peur, même si j’ai des antennes radar de sémaphore sur la tête et le plus puissant des gardiens des bouts du monde de la planète, qui ne peut pas avoir de bout, dans le dos, j’ai froid, le foulard jaune — si je te dis qu’il est jaune, orange même — sur les épaules, j’ai peur de disparaître à l’intérieur de ces trous noirs qui me happent, parfois aussi la Jument, son œil rouge qui tourne autour de sa tête me fait froid et les étoiles tournent dans mes yeux, je ne suis pas insubmersible, la nuit j’ai peur de disparaître sans savoir où l’on va, les vagues, elles, elles s’en foutent, elles se fracassent et se diluent, je ne sais pas pourquoi on les distingue de ta masse et de la lune, mais vraiment peu m’importe de disparaître une heure ou un siècle à l’intérieur de tes trous noirs qui me happent parmi les perséides, on n’a pas toutes les nuits la chance de faire dix vœux à la minute, mon foulard jaune aspiré avec la poussière d’ailleurs sous ta porte qui claque et claque, sur la terrasse me laisse, prisonnière de ta rondeur »





Voir en ligne la proposition de François Bon, nuit temps zéro















Photos : tour radar du Stiff  sur lever de lune et phare du Creac'h (Ouessant) 
© Laure Morali, "Sémaphore", projet en cours_ le 25 mars 2011

Commentaires

  1. belle série, les sémaphores

    être tout à fait perdu est une façon d'être tout à fait libre

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