Atomes


essaime la poussière
nul de décèlera votre union

René Char 




l'eau diminue
le sable monte

une île
une virgule
une île



au fond
un dialogue circule
d'une île
l'autre   les parcelles
du mica soulignent
les courants
de l'eau émeraude



Enez bihan
pour dire petite île
comme si c'était le nom
d'une pierre
égrainée



la vue prend de l'élan
dans une brise pour aller
sonder au large le profond
de la couleur    passe
entre les embruns    heurte
les brisants          e       
                                  nez 
                                             bi
                                                   han



parfois
un geste de lumière
indique un passage
une parcelle
de vie part comme ça
avec le désir



on part

sur une lumière

et l'on revient

avec une ombre

au même instant

entre les îles


j'ai vécu ailleurs et plus tard 

à mesure que le temps passe    
je recule et le paysage
coule


aller le plus loin possible
au bout des îles

vagues émeraudes ourlées 
par leur propre vertige

la mer est vivante



le ciel nacré 
ferme sa coquille
sur l’île





sur le banc de sable    mon corps
est un geste 

comme une traîne d’écume déchale
la marée descend et je descends avec
jusqu’à devenir son


la baie répand
des fils lumière
brume     lumière
toile au-dessus de l'eau
trouée d'îles




une nappe d'eau
vapeurs
emporte une île

je ne sais plus voyager

le regard fait et défait
ses continents    

la baie amarre tous les départs




sous l’eau
l’hirondelle fait luire le jour
vibrations bleues

l’été reste à atteindre dans l’été
les ailes vacillent

nous gardons les larmes à la surface des yeux
l’iris se rétracte en cercle d’aube
le silence est discret

les visages se dissimulent
à l’intérieur des corps



les rivières s’immobilisent
à force d’imiter les épaves
qu’elles recueillent

une aigrette écoute le jour tomber
dans la vase

à l’embouchure
un vieil homme droit comme héron
avec sa chemise bleue
a la peau rêche d’une grève
délaissée par la marée

sa main gauche n’a que quatre doigts
c’est une vache qui l’a bouffé !

quel chagrin dans sa main se casse
d’avoir trop séché ?



le soleil blanchit

il nous offre un passage
vers le silence du feu

il y a toutes ces vies possibles
auxquelles il faut renoncer
à genoux devant le grand
coquillage blanc



ce soleil blanc
a givré sur mon épaule
le courage des dune


tant d'îles ont tenu
le regard étale
à la surface du monde  

de lentes dérives
ont poussé la vision à plisser
dans les strates littorales
où la vague parfois l'été  
vient frapper  
atomisant le mystère

et nous sommes devenus pierre
un instant
devenus un instant
sable
éparpillement
or

demain
nous irons aux fils de l'eau
clairsemée de brillants
au partage des courants
amonceler d'autres terres

nous ne nous laisserons plus
engloutir

nous monterons dans l'aube

et nous irons dans des vents transparents
trouer la lumière



parfois
je n'attends rien
parfois
je ne peux plus attendre

s'il faut fendre
par quel désir
les fils qui m'étendent
je me délierai
sous l'aube


les prisonniers de l’aube
semblent figés dans l’éblouissement
comme si un voile collé au vent
permettait que tout tourne
à la lumière des premiers instants
naissants à la manière d’un feu
dans le ventre de la terre
qui ausculte en elle-même
le temps qui se prépare
à apparaître



la Grande Ourse
couvre l’île

une tranche de lune
cuivre les bateau



des rêves se bousculent
au bord de la terre



la mer a l’horizon fragile

des lumières souples
profitent de la nuit
pour se confondre 
à l’écume




par la fenêtre où scintillaient
les îles je passe et pousse 
les volets, laisse
une embrasure
pour les âmes douces
si du secret
flottement de l'ombre
elles veulent s'éclipser
au bord du jour

elles sont encore bohèmes



la plage est proche
où je me glisse
la nuit est fraîche
ma peau se mouille
d'odeurs



la nuit est bleue
la couleur sèche
les craquelures
ouvriront le littoral
mais avant la coulée
de l'aube je serai
loin sur la page




mais l’aube
cette aube qu'on ne voit 
qu’une fois
est faite de papillons
clairs enflammés
par le vent brûlant
sous la couleur de la matière



les étoiles 
sœurs jumelles des fougères
fanent lentement
mais brûlent d’un seul trait

un embrasement d’aiguilles
sous le pin maritime




et les mots se mêlent
aux jours l’espace navigant
fait couler l’aube et le temps
sous d’anciens parallèles
aux portes instinctives  

la route est tracée  
à peine esquissée  
dans cet été vagabond   

j'inverse les chemins
dans la naissance de l’air  

esprit humide 
tempêtes fortes  

chavire 
au levant 



un arbre étend ses branches  
sur la falaise et au-delà
un oiseau boit à la brume

on entend distance 

quelqu’un s’évade de moi  
une vague bleue   

je ne suis plus
personne



une longitude étoile
à sec sur le sable
reprend le large au ciel
parmi d’autres reflets




du bout des doigts
je frôle l'écorce du pin  
il pleut des gouttes du matin
de chaque aiguille  

je descends le rocher
évapore un frisson au plus près
des souvenirs du sable

la baignade m'inonde de reflets papillons



dans l’eau de rosée
un grain de sable
brille 



Laure Morali
Atomes : poussière de poèmes essaimée depuis 1995
ramassée à Montréal, le 5 septembre 2012  

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