Sémaphore 6

Tout disparaîtra. Les peintures rupestres de la grotte de Lascaux, l'étoile du berger, Les demoiselles d'Avignon, l'homme, l'oeuvre de l'homme. La vie. Le soleil s'éteindra, l'univers sera happé par un trou noir. Tout disparaîtra.
Alors pourquoi écrire, créer, s'indurer ? Pourquoi planter des arbres qui nous survivront, sculpter des colonnes qui nous chanteront ? Transmettre des mots, égrener des mélodies, bâtir le néant. Pourquoi ?
Parce que l'art est un éloge de l'inifini. Au coeur de la beauté, le temps n'existe plus.
Felwine Sarr, Dahidj



au granit pleine de trempes 
creuser 
travailler le ciel 
en foulant le sol 
sentir la terre craquer 
dans les poumons 
déchirer les cordes 
écrire l’animale gronde 
par les bronches mon granit 
sol d’éclaboussement


veines tendues un soleil pétri 
entre les rochers se laisse 
jusqu’au magma écrire 
rompre avec sa forme 
devenir eau terre feu air 
l’infini broie les mots qui pèsent 
du point de vue du soleil 
nos prières dessinent des spirales, 
elle dure une journée sa phrase 
dans le dédale du corps 
qui engrange 
la joie


écrire la stupeur de la sensation de l’air 
qui entre pour la première fois 
dans les poumons 
écrire en train de naître 
ce cri que pousse la terre 
en expulsant le soleil 
feu liquide 
dans le corps l’île 
rétracte le souffle 
le crache pour qui l’entendra 
cœur en débris 
gravir la planète 
en deux respirations 
de béatitude sourde rugueuse 
arrachée à la lande


écrire prier chant de l’heure ronde 
perdre pieds dans l’univers oublier 
de quel pays l’on vient 
plonger partir pierre ponce 
au péril de s’user 
sans rien garder devenir 
bouchon de liège dans les villes d’eau 
écrire dans la langue 
des papillons nahuatl 
innu-aimun quechua écrire 
pétrir sa langue à coup de rencontres  
des bleus souffle avec la mer 
jouis rage rentre éjecte reprends 
respire reçois la foudre 
du fond du ventre 
écrire creuser 
faire jaillir 
un son de terre 
brûlante





© Laure Morali_21 avril 2011
À partir d'une proposition de F.Bon,
"écrire, signer la vie" et de Jacques Dupin


Merci à François Bon d'avoir ouvert 
ses ateliers de la Bibliothèque universitaire d'Angers 
aux participants en ligne. 

Commentaires

Articles les plus consultés